Vertiges et troubles de l'équilibre
Les vertiges sont un motif très fréquent de consultation. Ils peuvent résulter d’un accident vasculaire central mais sont souvent le reflet d’un dysfonctionnement de l’oreille interne. Il est essentiel de préciser à l’interrogatoire la nature du vertige : s’agit-il de sensations de rotations du monde visuel autour du patient ou de sensations d’instabilité, de troubles de l’équilibre, sensations d’ébriété ? Sont-ils accompagnés de signes auditifs (sensations d’oreille bouchée, d’acouphènes) ? Sont-ils associés à des nausées et/ou des vomissements ? Enfin, surviennent-ils lors des mouvements de la tête?
Cette dernière décennie, de nombreux progrès ont été réalisés dans l’exploration des vertiges rotatoires. Il s’agit en effet d’apprécier le fonctionnement des cinq récepteurs de l’oreille interne (ou système vestibulaire périphérique). Tout vertige rotatoire ou trouble de l’équilibre doit faire l’objet de tests otoneurologiques par un spécialiste de pointe, munis d’appareils adaptés. Ces derniers permettront aideront à préciser le diagnostique étiologique des vertiges, de guider au mieux les indications de l’imagerie (CT Scann, IRM cérébrale) et de mettre en route un traitement adapté.
Rappel anatomique
Le système vestibulaire périphérique est composé au niveau de chaque oreille de cinq types de capteurs différents : les canaux semi-circulaires au nombre de trois (canal horizontal, vertical antérieur et postérieur) et les organes otolithiques au nombre de deux (l’utricule et le saccule), soit dix récepteurs au total. Ils transmettent l’information au système nerveux central vial le nerf vestibulaire qui comprend deux parties : le nerf vestibulaire supérieur composé des nerfs des canaux horizontaux et antérieur et le nerf vestibulaire inférieur composé du nerf sacculaire et canalaire postérieur.
Bilan otoneurologique
Le bilan otoneurologique permet de déterminer la cause des vertiges, des instabilités posturales ou des cochléovestibulaires. Il inclut un bilan complet incluant interrogatoire, évaluation standardisé par un questionnaire, examen clinique et paraclinique. Cette démarche permet de déterminer l’ethiologie des symptomes, de déterminer leur cause centrale ou périphérique et d’apporter les solutions thérapeutiques les plus adaptées.
Questionnaires
Les questionnaires les plus fréquemment utilisés sont le Dizziness Handicap Inventory (DHI) et Tinnitus Handicap Inventory (THI). La réponse à ces questionnaires permettra au médecin de mieux apprécier la gravité des symptômes et leur répercussion fonctionnelle.
Audition
Un test audiométrique est essentiel à la recherche d’une perte tonale sur différentes bandes fréquentielles. Il indiquera s’il existe une surdité légère ou modérée, de type transmissionnel (Oreille moyenne) ou de Perception (Oreille interne) touchant toutes les fréquences auditives ou une partie les fréquences graves (250Hz, 500 Hz, 1000 Hz) ou aigues (2000 Hz, 4000Hz et 8000 Hz), son caractère uni ou bilatéral, et le côté lésionnel. Un test vocal est aussi fréquemment necessaire.
Examen vestibulaire
L’examen clinique a pour but de détecter l’existence d’un nystagmus oculaire, témoin d’une asymétrie vestibulaire, de préciser sa direction horizontale ou verticale, la présence d’une composante torsionnelle. Le nystagmus oculaire est composé de mouvements lents de l’œil entrecoupées de phases rapides orientés en sens inverse.
Il doit être recherché en position assise et couchée à l’aide d’un masque de vidéonystagmoscopie, lequel place de fait le patient dans l’obscurité, empêchant ainsi son inhibition par la fixation (Figure. 1). Ce dernier est doté d’une caméra et d’un éclairage infrarouge monochrome, et son principe est basé sur la détection de l’empreinte irienne. L’étude en 3D [1] des composantes du nystagmus spontané est essentielle. Un nystagmus oculaire est recherché en position assise et allongée et après différents types de stimulation (head shaking test, test vibratoire, head impulse test).
Head Impulse test (HIMP)
Le video-head impulse test HIMP permet de quantifier précisément le gain du réflexe vestibulo-oculaire dans différents plans de l’espace. Il est ainsi possible d’apprécier la fonctionnalité des trois canaux semi-circulaires (antérieur, horizontal et postérieur) de l’oreille interne. Rappelons que chaque canal est orienté de telle façon qu’il traite l’information de mouvement dans un plan donné horizontal ou vertical (figure1 les trois canaux semi-circulaires). Ce test est actuellement le plus fiable car il mesure la fonction vestibulaire dans des conditions physiologiques en réponse à une accélération passive de la tête. De plus, il n’est pas invasif et n’induit aucun vertige rotatoire.
En pratique
Un masque doté d’une caméra et d’un gyroscope est placé sur la tête du patient (voir figure 2). Des impulses de la tête de faible amplitude et de grande accélération sont délivrés par un médecin exercé et la vitesse de l’œil et de la tête sont quantifiées. Le patient doit fixer une cible visuelle immobile placé sur un mur à 1 mètre en face de son regard. Les impulses peuvent être délivrées dans le plan horizontal ou dans le plan sagittal tête orientée à 45° à droite ou à gauche.
Chez le sujet normal, les yeux se meuvent pendant l’impulse, dans le sens opposé à celui du mouvement de la tête, mais à une vitesse égale. Le réflexe vestibulo-oculaire a un gain de 1, ce qui traduit une parfaite stabilisation de l’image du monde visuel sur la rétine durant les mouvement de la tête (figure 3).
Chez le patient souffrant d’une lésion du canal horizontal, la vitesse de l’œil est inférieure à celle du mouvement de la tête durant les impulses dans le plan horizontal. Le sujet perd des yeux la cible qu’il doit fixer et il effectue des saccades de rattrapage rapides (early covert catch-up saccades) ou tardives (late overt catch-up saccades). Le gain du réflexe vestibulo-oculaire horizontal est inférieur à 1 (figure 4).
Chez le patient ayant une dysfonction d’un canal vertical, il en est de même. Le patient perd la cible des yeux lors des impulses délivrés vers le haut ou vers le bas et effectue des saccades de refixation. Le gain est inférieur à 0,8.
Test de la perception de l’horizontale et de la verticale subjective
Ce test permet d’apprécier le fonctionnement du système otolithique. Il consiste à demander à un sujet placé dans l’obscurité de positionner une barre luminescente de 60 à 90 cm placée à 1m en avant de lui et inclinée de 45°, dans une position qui lui paraît être soit verticale, soit horizontale. En cas de dysfonctionnement unilatéral aigu des récepteurs otolithiques, la barre est positionée par le sujet dans une position déviée par rapport à l’horizontale ou la verticale, de l’ordre de 3° à 10° du côté lésé.
Potentiels évoqués myogéniques cervicaux induits par des stimuli sonores de forte intensité dans les muscles sterno-cléido-mastoïdiens (ou potentiels évoqués otolithiques d’origine sacculaire)
Des clicks sonores ou des short tone bursts de 100 dB sont délivrés unilatéralement à l’aide d’un casque à une fréquence de 5 Hz et les potentiels évoqués myogéniques cervicaux sont recueillis dans les deux muscles sterno-cléidomastoïdiens (SCM) à l’aide d’électrodes de surface placées au tiers supérieur de ces deux muscles. Les ondes précoces sont composées d’une première positivité à 10 ms (onde P13) suivie d’une négativité à 19 ms (onde N23). Elles sont le reflet du fonctionnement d’un récepteur labyrinthique : le saccule et du nerf sacculaire.
Potentiels évoqués myogéniques oculaires induits par des stimuli sonores de forte intensité (ou potentiels évoqués otolithiques d’origine utriculaire)
Des sons de forte intensité sont délivrés au niveau de chaque oreille et les potentiels évoqués sont recueillis à l’aide d’électrodes de surface au niveau des muscles extraoculomoteurs en contralatéral (ondes n1-p1). Ce test nouveau permet d’apprécier la fonctionnalité de l’utricule et du nerf utriculaire, composant le nerf vestibulaire supérieur.
Tests caloriques
Décrites pour la première fois par Bárány, ces épreuves permettent d’apprécier l’excitabilité des ampoules des canaux semi-circulaires horizontaux. Elles interrogent principalement un labyrinthe et restent un des examens clés de l’étude du fonctionnement de l’ampoule du canal semi-circulaire horizontal. De plus, elles ont, à la différence des tests précédemment cités, une valeur quantitative. Elles permettent aussi de préciser la sensation perçue qui est un des reflet de l’intégration centrale des informations vestibulaires.En pratique, chaque oreille est irriguée, soit par de l’eau froide (30 °C), soit par de l’eau chaude (44 °C) pendant 30 secondes, et la réponse est enregistrée entre la soixantième et la quatre-vingt-dixième seconde après le début de la stimulation. Ce test permet d’apprécier le fonctionnement du réflexe vestibulo-oculaire horizontal sur des bandes de fréquence basse de l’ordre de 1/1 000 Hz.
Ces épreuves ne sont plus effectuées systématiquement mais en fonction de la pathologie suspectée du patient et des résultats du Head impulse test. Il reste classique dans certaines étiologies (maladie de Meniere, schwanome vestibulaire).
Exploration des troubles de l’équilibre
Les troubles de l’équilibre (sensations d’ébriété, d’instabilité, bascule) sont fréquents en pathologie vestibulaire. Ils peuvent être quantifiés sur des plates-formes fixes ou mobiles grâce aux méthodes de posturographie statique et dynamique.
En pratique, on demande au patient de remplir un questionnaire DIZZINESS HANDICAP INVENTORY. Un bilan complet musculaire, proprioceptif et vestibulaire est effectué. Puis on essaie de déterminer les dépendances visuelles ou proprioceptives anormales.
WBB et dépendance visuelle
Nous avons développé un système incluant une wbb, un oculsrift, un tapis mousse et un labtop. Les patients sont placés sur une plate forme wbb. Ils doivent maintenir leur équilibre dans différentes conditions yeux ouverts YO, yeux fermés (YF) et en regardant une scène visuelle à délivrée à travers un oculus-rift. La scène visuelle peut être fixe, ou mobile en 3D se déplaçant à différentes vitesses variant entre 0,1 à 0,4 en Unités Arbitraires. Dans ces conditions, les entrées proprioceptives sont stables (les pieds du patient sont placés à égale distance de la ligne médiane sur la wbb). Puis dans une deuxième série d’épreuves, les patients doivent maintenir leur équilibre sur un tapis mousse AIREX posé sur la wbb et ils sont testés dans les mêmes conditions visuelles. (Voir la figure 6). Dans ce cas, les entrées proprioceptives et les entrées visuelles sont instables. En comparant les oscillations posturales en conditions image fixe et scène visuelle mobile, on peut avoir une idée de la dépendance visuelle. Un score de mobilité et de stabilité posturale est ensuite effectué qui va guider le patient à améliorer son équilibre et ses performances. Des séances de rééducation ciblées et adaptées seront ensuite prescrites.
Équitest®
Cet appareil permet de tester l’équilibre statique et dynamique des sujets. Cependant, son coût est élévé et il s’agit dune plate-forme volumineuse utilisable seulement à l'hôpital.
Il comprend deux grands types d’épreuves : un test d’organisation sensoriel et un test moteur. Le test d’organisation sensoriel permet de tester l’effet de six environnements sensoriels différents sur le contrôle postural. À cette fin, l’Equitest comprend une plate-forme de force, fixe ou asservie aux déplacements du centre de gravité du sujet, et un panorama visuel situé à 50 cm du sujet, qui peut être fixe ou asservi aux déplacements du centre de gravité du sujet. L’Equitest constitue une aide précieuse pour l’appréciation et la quantification des troubles de l’équilibre. Il permet aussi, dans une certaine mesure, de guider la rééducation vestibulaire et de juger de son efficacité.